du mercredi au samedi de 14h à 19h
Chaque paysage semble en équilibre au bord de la couleur, au bord du trait, au bord de la réserve.
A un geste de disparaître ou à l’inverse à un trait de prendre de l’ampleur, de s’émanciper du fond comme du cadre.
Notre regard vacille dans la couleur mouvante, se prend les pieds dans les touches dirigées mais fugaces. Le paysage se construit dans l’œil.
On s’introduit dans la composition, dans le dessin comme on rentre dans une intimité, le paysage se fait intérieur.
Le silence des jardins
Voici des traits, des traces, des effleurements. Attachés au souvenir de tous
ces étés passés, à droite à gauche chez des amis, autour de leurs maisons. Des
dessins témoins du silence de leurs jardins. Un silence… apaisant? Angoissant?
Car Yves Toutut n’est pas un contemplatif. La méditation, là-haut, sur la colline, ce n’est pas son truc. Ni – surtout pas – l’esprit romantique allemand bouleversé d’émotion devant les grands mystères de la Nature. Toutut ne vit – ne survit – qu’au contact des êtres humains (sur lesquels il a plus de pouvoirs.)
Et, justement, ces êtres-là, dont il ne saurait être séparé trop longtemps, sont
provisoirement absents des jardins qu’il nous dépeint. Le connaissant, ce manque est l’expression d’une inquiétude, pour le moins du constat d’une anormalité. La désertion se devine sur le papier dans ces zones assez larges que le trait évite. De tout temps, le paysage dans l’Art a eu pour fondement de s’extasier devant l’harmonie de l’œuvre du Créateur. Dans ses dernières feuilles, Yves Toutut ne réfute pas brutalement cette convention ; mais il témoigne, en creux, pendant qu’il discute mentalement avec Pierre Bonnard de l’orientation et de la légèreté de sa touche, d’un manque impatient. Bientôt, heureusement, par-dessus son épaule, son hôte (qui n’est jamais bien loin), vient le féliciter et rompt le pesant silence. Reste, en noir et blanc, la précieuse trace d’instants de solitude observés avec une raisonnable méfiance.
Alain Blondel, septembre 2022
Pièces en Verre : Lukáš Šulc – Josef Divin
Texte: Julie Dalouche, Critique d’Art, 2022
Photographies © Patrice Bouvier